Inde-Russie : un partenariat commercial renforcé
Partager

L’Inde et la Russie ambitionnent d’augmenter leurs échanges commerciaux annuels de 50 % pour atteindre 100 milliards de dollars d’ici cinq ans en signant un accord Inde-Russie prometteur. Une volonté partagée qui s’inscrit dans un contexte de tensions croissantes avec les États-Unis, accusés par New Delhi d’imposer des barrières “déraisonnables”.
Objectif : 100 milliards de dollars d’échanges
New Delhi et Moscou affichent une volonté claire : renforcer leur coopération économique. Selon les déclarations du ministre indien des Affaires étrangères, Subrahmanyam Jaishankar, l’Inde et la Russie souhaitent porter leurs échanges commerciaux à 100 milliards de dollars d’ici cinq ans, contre environ 66 milliards actuellement. Pour y parvenir, les deux pays envisagent de lever les obstacles commerciaux existants et de réduire les barrières non tarifaires qui freinent encore leurs échanges.
Cette ambition n’est pas anodine. Moscou figure déjà au quatrième rang des partenaires commerciaux de l’Inde, tandis que New Delhi occupe la deuxième place pour la Russie. Une intensification des flux commerciaux viendrait donc consolider une relation déjà solide, tout en offrant une alternative face aux pressions américaines.
Inde-Russie : Une visite diplomatique stratégique à Moscou
Mercredi, lors d’un déplacement de trois jours à Moscou, Subrahmanyam Jaishankar a insisté sur la nécessité de renforcer la coopération bilatérale. Cette visite constitue un prélude à la venue attendue de Vladimir Poutine en Inde avant la fin de l’année. Elle s’inscrit également dans le rapprochement plus large entre les membres des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), qui cherchent à s’émanciper de l’influence économique des États-Unis et de l’Union européenne.
Lors du Forum commercial indo-russe, le ministre a souligné que l’incertitude croissante sur la scène mondiale incitait les États à rechercher “des partenaires fiables et stables”. Sans citer directement Washington, il a pointé du doigt la politique commerciale agressive des États-Unis qui impose des droits de douane lourds aux pays émergents.
L’Inde se rapproche de Moscou et Pékin
Cette dynamique de rapprochement avec Moscou coïncide avec une prise de distance croissante entre New Delhi et Washington. Ces dernières semaines, Donald Trump a multiplié les attaques contre l’Inde, accusée d’alimenter la machine de guerre russe par ses achats massifs de pétrole à prix réduit.
En réponse, Narendra Modi a multiplié les gestes diplomatiques en direction de Moscou, allant jusqu’à qualifier Vladimir Poutine “d’ami” à l’issue d’un échange téléphonique. Parallèlement, le Premier ministre indien prépare une visite officielle en Chine, prévue à la fin du mois, qui marquera son premier déplacement à Pékin en sept ans. Ce réchauffement avec les deux géants eurasiatiques traduit la volonté de l’Inde de diversifier ses partenariats pour ne plus dépendre de l’Occident.
Washington hausse le ton avec de nouveaux droits de douane
À l’origine de ces tensions se trouve la décision américaine d’instaurer un droit de douane de 25 % sur les produits indiens entrant aux États-Unis. Donald Trump a menacé d’aller plus loin en portant ce taux à 50 % dès le 27 août. Pour New Delhi, il s’agit d’une attaque directe contre ses exportations, évaluées à 85 milliards de dollars par an sur le marché américain.
L’Inde considère ces mesures comme “déraisonnables”. En réalité, elles visent à sanctionner ses achats massifs de pétrole russe, dont le prix est fortement réduit depuis la mise en place des sanctions occidentales contre Moscou. L’or noir russe, devenu une ressource stratégique pour contenir l’inflation indienne, est au cœur de cette discorde.
Le pétrole russe, un levier économique majeur du partenariat Inde-Russie
La décision de New Delhi de se tourner vers le pétrole russe repose sur une logique pragmatique : s’approvisionner au meilleur coût. Les sanctions occidentales ont contraint Moscou à proposer son brut à prix cassé, offrant ainsi à l’Inde une opportunité unique de stabiliser son économie face à la flambée des prix mondiaux de l’énergie.
Mais cette stratégie alimente la colère de Washington, qui y voit une façon indirecte de financer la guerre en Ukraine. Malgré ces critiques, New Delhi défend fermement sa position en rappelant son droit souverain à choisir ses fournisseurs et à protéger son économie nationale.
Une diversification des échanges comme priorité
Au-delà du pétrole, Subrahmanyam Jaishankar plaide pour une diversification accrue des échanges entre l’Inde et la Russie. L’objectif est de développer des partenariats dans d’autres secteurs stratégiques comme la technologie, l’agriculture, les infrastructures et l’industrie pharmaceutique.
Le ministre appelle également à multiplier les rencontres entre entrepreneurs indiens et russes afin de surmonter les difficultés liées aux systèmes de paiement, souvent perturbés par les sanctions internationales. La création de circuits financiers alternatifs figure ainsi parmi les pistes privilégiées pour sécuriser et fluidifier les transactions bilatérales.
Inde-Russie : une alliance pragmatique face aux incertitudes mondiales
À travers ce rapprochement, l’Inde et la Russie réaffirment leur volonté de bâtir une alliance économique durable. En cherchant à atteindre 100 milliards de dollars d’échanges commerciaux, les deux pays affichent un objectif ambitieux qui s’inscrit dans une logique de souveraineté face aux pressions américaines.
Si Donald Trump poursuit sa stratégie de confrontation, New Delhi entend bien jouer la carte du pragmatisme : diversifier ses partenaires, tirer profit des opportunités offertes par Moscou et Pékin, et se présenter comme une puissance indépendante au cœur d’un monde multipolaire en pleine recomposition.