RE 2020 : de nouveaux recours pour ralentir la transition écologique
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Des cimentiers seraient en passe de déposer des recours contre la RE2020, plus précisément contre sa méthode de calcul qui prend en compte les émissions de CO2 des matériaux de construction dès le début de leur cycle de vie. Explications.
La future RE2020, qui doit entrer en vigueur au 1er janvier 2022, s’attache à réduire l’empreinte carbone des bâtiments résidentiels et professionnels sur toute leur durée de vie. Un levier d’action indispensable pour atteindre l’objectif de neutralité carbone d’ici 2050 que s’est fixé l’État, dans le cadre de sa Stratégie Nationale bas Carbone (SNBC). Et pour cause, à lui seul, le secteur du bâtiment génère 23 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) de la France. Un pourcentage qui grimpe à 40%, une fois les émissions indirectes (production des matériaux, construction des bâtiments) prises en compte.
Des recours pour freiner la RE2020
La RE2020 poursuit trois grands objectifs : donner la priorité à la sobriété énergétique et à la décarbonation de l’énergie ; diminuer l’impact carbone de la construction des bâtiments ; en garantir le confort en cas de fortes chaleurs. À quelques mois du top départ, cette réglementation, et plus particulièrement ses méthodes de calcul, ne font pas l’unanimité. Notamment du côté des cimentiers. En chefs de fil de cette contestation, le Syndicat français de l’industrie cimentière (Sfic), l’industriel Vicat et le géant franco-suisse Lafarge Holcim. Selon le média La Lettre A, ils envisagent de déposer des requêtes en annulation devant le Conseil d’État pour contester les méthodes de calcul de la RE2020.
Ce qui pose problème aux cimentiers, c’est la substance même de cette nouvelle réglementation, à savoir l’analyse du cycle de vie (ACV) « dynamique ». Contrairement à la RT2012, norme actuellement en vigueur, qui est statique, ce nouveau mode de calcul prend en compte les émissions de CO2 des matériaux de construction dès le début de leur cycle de vie pour calculer l’impact global du bâti. Et pour cause, l’étape de la construction d’un bâtiment ne représente pas moins de 60% de l’empreinte carbone d’un bâtiment neuf. Aujourd’hui, la production de produits cimentés constitue une source d’émission colossale : 660 kilos de CO2 par tonne produite en 2015. Même si la filière vise 80 % de réduction en 2050 par rapport à 2015, la RE2020, elle, n’attendra pas. A l’échelle de la planète, l’acier et le béton sont responsables de 8% des émissions totales de GES.
Le bois vainqueur par KO
Le ciment et le béton se positionnent donc plutôt mal, tant la production de leurs produits requiert de l’énergie. Tout le contraire du bois, qui, en plus d’être une ressource renouvelable, stocke du carbone. À titre d’exemple, à niveau d’isolation équivalente, la structure en bois permet de gagner de 300 à 500 kgCO2e/m2 comparé au béton. Moins polluant dans son mode de production, il offre un autre avantage : le « bois-arbre », pendant sa croissance, séquestre le fameux gaz. Transformé en matériau pour la construction, la durée de vie du bois est dès lors prolongée (de 50 à 100 ans selon les structures). Pendant toute cette période, le carbone reste emprisonné. Le matériau se change alors en puits de carbone, soulageant un peu notre atmosphère.
Autant d’atouts sur lesquels l’État compte capitaliser. Suite à la présentation des détails de la réglementation en novembre 2020, un communiqué du ministère de la Transition écologique expliquait : « Les ministres ont pu, lors des annonces du 24 novembre dernier, souligner la place croissante que seront amenés à prendre le bois et les matériaux biosourcés dans le futur de la construction. » Une volonté portée également par la SNBC, qui vise une augmentation de la commercialisation du bois d’un tiers d’ici à 2050 : massification du recours au bois dans les produits de construction ; développement de l’éco-conception des bâtiments…
Forte de cet engouement, la filière bois construction parfait ses techniques constructives. De plus en plus performants sur les plans technique, acoustique, etc., les procédés de fabrication comme le bois lamellé collé, le CLC (Cross Laminated Timber), pour ne citer qu’eux, s’invitent toujours plus en structure, même s’ils restent largement minoritaires. La part de la construction bois dans le marché du logement (maisons individuelles secteur diffus et groupé, logements collectifs) s’établit à 6,5% pour l’année 2020. Mais la révolution semble en marche. En novembre 2020, à l’initiative de FiBois Ile-de-France, vingt-huit aménageurs et maîtres d’ouvrage ont signé un pacte, dans lequel ils s’engagent tous à réaliser jusqu’à 40 % de constructions neuves ou réhabilitations en bois et/ou autres matériaux biosourcés. Ce qui représente près d’1,2 million de mètres carrés d’ici à 2025.
Mettre le bon matériau au bon endroit
Plutôt que des recours, les cimentiers pourraient trouver une autre échappatoire, plus constructive avec la mixité des matériaux. Car « la réglementation repose sur une exigence de résultats et non de moyens », rappelait le ministère de la Transition écologique dans un même communiqué. De quoi laisser une place à la diversité des modes constructifs et favoriser cette mixité.
Sous réserve de « leurs engagements de décarbonation », tous les matériaux pourront dès lors être utilisés, faisant valoir leurs atouts respectifs. C’est déjà le cas de réalisations exemplaires, où charpentes bois cohabitent avec contreventement, cage d’escaliers ou ascenseur en béton. Béton et bois n’iraient-il pas finalement bien ensemble ? Un monde du bâtiment 100% bois n’est pas envisageable en l’état. Si l’adage selon lequel l’union fait la force est sans doute éculé, ici, il n’en demeure pas moins vrai.