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L’appel au boycott d’Erdogan contre la France : plus démago que véritable menace économique

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L’appel au boycott d’Erdogan contre la France : plus démago que véritable menace économique

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Les griefs économiques pressants de la population turque et les relations commerciales solidement ancrées avec la France l’emporteront probablement de loin sur l’enthousiasme des Turcs à boycotter les produits français.

Au milieu d’une joute verbale avec son homologue français, le président turc Recep Tayyip Erdogan a exhorté la nation à boycotter les produits français, mais peu de gens sont susceptibles de tenir compte de son appel, car la crise économique est la véritable préoccupation des Turcs et beaucoup doivent leur emploi à des entreprises qui ont des liens étroits avec la France.

Pour de nombreux Turcs, le dénigrement du président français Emmanuel Macron par Erdogan résonne comme une tentative de détourner l’attention du public des malheurs économiques du pays, qui ont fait boule de neige depuis 2018, date à laquelle Erdogan a assumé de vastes pouvoirs en tant que président exécutif.

La pandémie de COVID-19 a aggravé la tourmente économique de la Turquie, alimentée par l’effondrement spectaculaire de la lire turque depuis la mi-2018, alors qu’Ankara s’efforce de trouver des solutions. Les réserves de la Banque centrale sont tombées à un niveau sans précédent, dans un contexte de fuite des investisseurs étrangers – signe de la perte de confiance dans l’économie turque. Le prix du dollar a grimpé à plus de 8,3 lires au cours de la dernière semaine d’octobre, soit une hausse d’environ 46 % en un an. Le principal impact de la crise monétaire a été d’attiser l’inflation des consommateurs, qui est actuellement d’environ 12 %. Le taux de chômage a atteint 30 %, selon des méthodes de calcul alternatives jugées plus réalistes que les méthodes officielles, qui ont montré une diminution du nombre de chômeurs malgré la pandémie. Les griefs populaires se font de plus en plus entendre, et se répercutent même sur les propres rassemblements d’Erdogan. Au début de ce mois, le président a conseillé de façon mémorable : « Le devoir des fidèles en temps de privation est d’être patient ».

C’est dans un tel contexte national qu’Erdogan a appelé au boycott des produits français, dans une querelle de plus en plus vive avec Macron sur le durcissement de la position de la France contre l’Islam radical. Les incartades s’étaient déjà accumulées entre les deux dirigeants, Ankara et Paris étant en désaccord sur toute une série de questions, y compris au sujet de la Syrie et la Méditerranée orientale.

S’adressant à une assemblée de personnes issues son Parti de la justice et du développement (AKP), le 24 octobre dernier, Erdogan a laissé entendre que Macron était mentalement instable, ce qui a incité la France à rappeler son ambassadeur de Turquie. Erdogan a répondu par un appel au boycott deux jours plus tard. « Tout comme on dit aux Français de ne pas acheter de marques turques, je demande maintenant à ma nation de ne pas acheter de marques françaises », a-t-il ainsi déclaré

Les fonctionnaires français ont rejeté les accusations d’Erdogan au sujet du boycott des produits turcs en France et ont également exclu toutes représailles, affirmant qu’ils maintiendraient des liens avec la Turquie.

Au niveau national, une combinaison de facteurs, y compris la nature des liens économiques turco-français et les besoins pressants de la population turque semblent exclure la perspective d’un boycott conséquent. Une grande partie de la population n’a pas la motivation nécessaire pour se joindre à une telle manifestation, accablée par des luttes quotidiennes pour ses moyens de subsistance qui alimentent l’exaspération à l’égard de leur propre gouvernement. En outre, les produits de nombreuses marques françaises sont fabriqués en Turquie, de sorte que les boycotter reviendrait à saper leur production locale – ce que peu de gens seraient désireux de faire à un moment où l’armée des sans-emploi s’accroît.

La Turquie est récemment devenue un exportateur net dans ses échanges bilatéraux avec la France, ce qui signifie qu’elle exporte plus qu’elle n’importe, contrairement aux périodes précédentes. En 2013-2019, par exemple, les exportations de la Turquie vers la France s’élevaient en moyenne à 7 milliards de dollars par an, alors que ses importations représentaient quelque 8 milliards de dollars. En 2019 et au cours des huit premiers mois de 2020, la tendance s’est inversée, les exportations de la Turquie dépassant ses importations d’un milliard de dollars par an.

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