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Automatisation et emplois : des mots qui vont bien ensemble ?

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Automatisation et emplois : des mots qui vont bien ensemble ?

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Contrairement aux idées reçues, de nombreuses entreprises envisagent des créations de postes avec l’arrivée de l’intelligence artificielle. Mais cela ne devrait pouvoir se faire sans une révision des méthodes d’enseignement et de formation.

Licenciements par milliers et chômage de masse d’un côté ; modulation du travail et stabilisation, voire croissance de l’offre de l’autre. L’arrivée de l’intelligence artificielle ne date pas d’hier, mais force est de constater que ses effets sur le marché de l’emploi, à l’échelle internationale, posent de plus en plus question. La plupart du temps en des termes un brin alarmistes – « serons-nous remplacés par des robots et, si oui, à quelle sauce nous mangeront-ils ? ». En juillet 2016, déjà, France Stratégie (service rattaché au Premier ministre chargé de plancher sur les orientations futures des politiques publiques) s’interrogeait de la sorte, en préambule d’une note sur le sujet : « Combien d’emplois sont menacés par l’automatisation ? ».

« Nombreuses incertitudes »

Depuis de nombreuses années, des dizaines de rapports et autres analyses s’interrogent effectivement sur la part des emplois dits « automatisables », tout autour de la planète, qui auraient donc vocation à disparaître d’ici quelques années. Une dichotomie (automatisable/non-automatisable) qui épouse plus ou moins les contours de la distinction entre emplois répétitifs (soumis à l’application de consignes strictes) et emplois non répétitifs (nécessitant des interactions sociales et une certaine capacité d’adaptation notamment). Dans son rapport, France Stratégie estimait par exemple que la part des seconds, dans l’hexagone, allait croissante (+ 33 % en 15 ans), tandis que les premiers, sur la même période, avaient diminué de 200 000.

A l’échelle planétaire, on estime pourtant que des activités où l’humain est traditionnellement majoritaire [devraient] commencer à s’automatiser. Ainsi est-ce le cas des secteurs juridique, de la comptabilité et du management, pour ne citer qu’eux, qui verraient la part de leurs fonctions automatisables passer respectivement de 23 % à 30 % et de 20 % à 29 %. Difficile, pourtant, de tirer quelque conclusion définitive, comme le souligne d’ailleurs France Stratégie, qui estime que « l’effet global de la révolution numérique sur l’emploi est […] compliqué à prévoir », puisqu’il dépend de trois facteurs sur lesquels « pèsent de nombreuses incertitudes ». A savoir : le rythme de destruction d’emplois automatisables ; l’importance de la transformation des métiers ; le rythme de création de nouveaux emplois.

« Nouvelles activités »

Pour tenter d’y voir plus clair et, surtout, dédramatiser le sujet, le Forum économique mondial a décidé, l’an dernier, de chiffrer l’impact exact de la robotisation croissante sur l’activité, en interrogeant quelque 300 entreprises au rayonnement international. Résultat : si 50 % des groupes pense que l’automatisation entrainera des baisses d’effectifs d’ici 2022, 38 % d’entre eux prévoit en revanche d’augmenter leur masse salariale – afin de développer leur productivité. Et plus d’un quart estime que la robotisation incitera les entreprises à repenser leurs postes, quitte à en créer de nouveaux. C’est d’ailleurs l’une des thèses avancées par Véronique Lacour, Directeur exécutif groupe Transformation et Efficacité opérationnelle chez EDF qui « pense que certains emplois sont amenés à disparaître. Mais uniquement pour laisser la place à d’autres : toutes les personnes qui traitent de cette intelligence artificielle et de l’analyse de données en l’occurrence ». D’autres analystes estiment que l’on ne connait pas, à l’heure actuelle, tous les emplois que l’intelligence artificielle pourra contribuer à créer. Le mathématicien et député de l’Essonne (La République en Marche) Cédric Villani fait partie de ceux-là. Chargé en 2017 par le gouvernement de conduire une étude sur l’impact de l’automatisation sur le marché de l’emploi, il a reconnu que « l’intelligence artificielle promet d’exécuter des tâches compliquées mais répétitives […], ce qui affectera logiquement les métiers incluant ces tâches. […] Mais cette transformation n’est pas radicalement différente de la numérisation de l’économie, phénomène déjà ancien auquel se sont adaptés […] la banque, les transports ou la santé, en modifiant le contenu des emplois, en formant les travailleurs, en développant de nouvelles activités ».

Formation en interne

Le médaillé Fields 2010 d’insister surtout sur la nécessité de revoir les méthodes d’apprentissage et de formation, afin d’ « offrir » de nouvelles compétences aux (futurs) travailleurs, qui économiseront du temps en se délestant des tâches répétitives. Compétences cognitives, compétences sociales et relationnelles, compétences créatives : selon M. Villani, l’employé de demain servira de pont entre la machine et l’Homme, grâce à « une modification profonde des modes d’enseignements ». Mais également, pourquoi pas, via les formations en internes, au sein des entreprises elles-mêmes. Ce qui n’est pas encore assez le cas, selon un rapport récent de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui explique que seuls 40 % des adultes suivent une formation professionnelle chaque année dans les pays développés.

Loin d’être suffisant, pour l’institution, qui pointe du doigt le « conservatisme » du marché de l’emploi. Plus que la distinction métiers automatisables/non-automatisables, l’évolution des mentalités doit selon l’OCDE se faire au niveau des concepts de « profession » et de « tâche », le second ayant tendance à remplacer le premier dans les entreprises. D’où la nécessité d’insister sur les formations en interne, pour préparer les salariés aux changements déjà en cours. Un jeu qui en vaut la chandelle, insistent certains férus d’intelligence artificielle, parmi lesquels Sam Altman, cofondateur d’OpenIA, une association de recherche à but non lucratif sur le sujet. Pour qui l’automatisation de l’emploi entraînera un boom de la richesse mondiale. Et pourquoi pas l’instauration d’un revenu universel à l’échelle planétaire…

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