Budget 2026 : le Sénat met la pression
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Alors que l’exécutif s’apprête à présenter les grands axes du budget 2026, le Sénat a décidé de prendre les devants. Gérard Larcher, président de la chambre haute, a transmis lundi soir à Matignon une note préliminaire dans laquelle les sénateurs de la majorité avancent une série de mesures visant à réaliser entre 30 et 50 milliards d’euros d’économies. Une initiative qui, bien que présentée comme une contribution, s’inscrit dans un contexte politique tendu, où chaque force parlementaire cherche à peser dans la définition de la trajectoire budgétaire du pays.
À six jours de la présentation des arbitrages budgétaires de François Bayrou, haut-commissaire au Plan et désormais chargé de piloter la préparation budgétaire dans un gouvernement affaibli, le signal envoyé par le Sénat est clair : il faudra compter avec lui. Dans une version ajustée de cette contribution, révélée par La Tribune, les sénateurs insistent sur leur volonté d’accompagner la consolidation des comptes publics sans pour autant proposer ce qu’ils qualifient de « contre-budget ».
Une fourchette d’économies massive pour le budget 2026
Les 30 à 50 milliards d’euros d’économies envisagés s’inscrivent dans une fourchette volontairement large, reflet à la fois de l’ambition affichée et de l’incertitude qui entoure encore les modalités de mise en œuvre. Ces pistes sont le fruit de travaux menés depuis la mi-mai dans le cadre d’un séminaire budgétaire interne à la majorité sénatoriale. Plusieurs axes sont étudiés, dont les fameuses « dépenses brunes » – c’est-à-dire les dépenses nuisibles à l’environnement – et les dépenses fiscales, souvent jugées inefficaces ou trop coûteuses au regard des objectifs visés.
La Commission des finances du Sénat a piloté ces travaux préparatoires, soulignant dans sa présentation que les sénateurs cherchaient à s’inscrire dans une démarche de dialogue plutôt que de confrontation. Une manière d’influencer la stratégie budgétaire de l’exécutif sans se placer en opposition frontale, dans un contexte institutionnel où le gouvernement de François Bayrou, sans majorité parlementaire, ne peut ignorer les équilibres politiques au Sénat comme à l’Assemblée.
Un gouvernement affaibli et sous pression
Cette initiative sénatoriale intervient dans un moment de fragilité politique particulière. Avec une majorité relative à l’Assemblée nationale et une légitimité qui reste précaire depuis la nomination de Bayrou à Matignon, l’exécutif cherche des relais et des soutiens pour éviter le spectre d’une motion de censure, toujours possible dans un paysage aussi éclaté.
Face à ce risque, le Sénat entend faire entendre sa voix, non pas pour renverser, mais pour orienter. « Il ne s’agit pas d’un contre-budget », précisent les sénateurs dans leur contribution, comme pour désamorcer toute interprétation hostile. Mais en listant des objectifs chiffrés aussi élevés, la chambre haute pose des jalons concrets qui contraignent, ou à tout le moins, encadrent les marges de manœuvre du gouvernement.
Le message est limpide : les élus de la majorité sénatoriale attendent des « gages » en matière de sérieux budgétaire. Et si ces signaux ne sont pas envoyés, ils pourraient se ranger, même tacitement, du côté de ceux qui contestent la politique budgétaire de l’exécutif. Pour Bayrou, qui cherche à réconcilier ambitions sociales et rigueur comptable, c’est une ligne de crête étroite à parcourir.
Entre rigueur du budget 2026 et compromis politique
L’enjeu n’est pas uniquement technique. Il est éminemment politique. Dans un contexte où la dette publique dépasse les 110 % du PIB et où les exigences de Bruxelles pour un retour progressif sous les 3 % de déficit public se précisent, l’État français doit envoyer des signaux clairs de responsabilité budgétaire. C’est ce que les sénateurs cherchent à rappeler, tout en indiquant qu’une nouvelle trajectoire de réduction des déficits devra passer par des arbitrages courageux.
Mais encore faut-il trouver un équilibre entre austérité et acceptabilité sociale. Couper 30 à 50 milliards d’euros sans susciter de tensions sociales majeures ni remettre en cause des politiques publiques essentielles (éducation, santé, transition écologique) sera une équation difficile à résoudre. Et sur ce terrain, l’exécutif sera scruté de près non seulement par les marchés, mais aussi par ses partenaires européens et ses opposants nationaux.