Meloni et Macron : rivalités et réalignements européen


Ce mardi, Emmanuel Macron est en visite à Rome pour un tête-à-tête avec Giorgia Meloni. Si les relations personnelles entre les deux dirigeants ont souvent été houleuses, cette rencontre témoigne d’un intérêt stratégique croissant entre deux pays liés par des intérêts économiques et géopolitiques majeurs. À l’heure où l’Italie affiche une croissance robuste et une trajectoire budgétaire plus vertueuse que celle de la France, ce déplacement prend une dimension singulièrement politique.
Une volonté de dépasser les différends
Les relations entre Emmanuel Macron et Giorgia Meloni ont rarement été simples. Le président français a souvent critiqué la ligne politique de la dirigeante post-fasciste, tandis que cette dernière n’a pas caché son irritation face à certaines prises de position françaises, notamment sur la migration. Pourtant, comme l’a souligné Meloni elle-même, « les leaders discutent, parfois de manière très vive, mais cela ne compromet pas les relations entre les nations ».
Cette rencontre, proposée par le chef de l’État français, traduit une volonté d’apaisement et une reconnaissance de la place stratégique prise par l’Italie en Europe. Elle s’inscrit aussi dans un contexte où les enjeux communs, du commerce international à la stabilité de la zone euro, imposent un dialogue régulier entre les deux capitales.
L’Italie de Meloni, un rival économique inattendu
Longtemps considérée comme l’éternelle « malade de l’Europe », l’Italie surprend. Selon Eurostat, son PIB par habitant a rejoint celui de la France, alors qu’il lui était inférieur de 10 % il y a cinq ans. Grâce à une forte performance à l’export et à une économie encore largement portée par un tissu d’entreprises familiales dynamiques, Rome surpasse Paris sur plusieurs indicateurs de croissance. En 2024, l’Italie est même devenue le quatrième exportateur mondial, devant la France.
Autre différence notable : la trajectoire budgétaire. Tandis que la France affiche un déficit de 5,8 % du PIB en 2024, l’Italie l’a réduit à 3,4 %, en grande partie grâce à la suppression du « Superbonus », coûteux dispositif de crédit d’impôt. Ce sérieux budgétaire commence à inquiéter Paris, confrontée à des difficultés croissantes pour contenir sa propre dette.
Une dépendance européenne maîtrisée… pour l’instant
Le succès économique de l’Italie repose aussi sur les fonds du plan de relance post-Covid de l’Union européenne. Meloni, loin de rompre avec Bruxelles, a poursuivi les engagements de ses prédécesseurs, tout en imprimant sa marque idéologique. Elle a su préserver l’appui de la Commission européenne sans renoncer à ses positions souverainistes, un équilibre subtil qui lui permet de consolider son image intérieure et extérieure.
Mais ce modèle reste fragile. La croissance italienne pourrait ralentir, notamment à cause des tensions commerciales avec les États-Unis. Si Donald Trump revenait au pouvoir, l’Italie serait particulièrement exposée aux droits de douane sur l’acier, l’aluminium et l’automobile. Giorgia Meloni mise néanmoins sur ses relations personnelles avec l’ancien président américain et son entourage pour préserver les intérêts italiens.
Une rencontre symbolique entre Macron et Meloni dans une Europe recomposée
Alors que l’Union européenne se redéfinit face aux crises successives – guerre en Ukraine, rivalités commerciales, recomposition des alliances – la rencontre entre Macron et Meloni symbolise un tournant. Les vieilles oppositions gauche/droite, libérale/souverainiste, s’effacent derrière une réalité pragmatique : France et Italie, deuxième et troisième économies de la zone euro, doivent collaborer.
Pour Emmanuel Macron, il s’agit aussi de reconnaître le nouveau poids politique de Meloni, capable de peser au sein du Conseil européen et sur la scène internationale. Pour cette dernière, c’est l’occasion de consolider sa stature de leader européen respecté, au-delà des clivages partisans.
Le rendez-vous de Rome dépasse donc le simple protocole : il illustre l’évolution d’un rapport de forces au sein de l’Europe, où l’Italie, désormais redressée, n’est plus un partenaire secondaire, mais un rival à prendre très au sérieux.