Congés : la cinquième semaine bientôt monétisable ?
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C’est une idée qui risque d’enflammer les débats dans les semaines à venir. Le Premier ministre François Bayrou a annoncé, mardi, son intention de proposer aux partenaires sociaux l’ouverture de discussions sur l’assurance-chômage et le droit du travail, dans le but de « faciliter les recrutements » et de « renforcer les offres d’emploi ». Au cœur de ce chantier : la monétisation de la cinquième semaine de congés payés.
Un terrain glissant pour le gouvernement, tant ce droit, inscrit dans la loi depuis 1982, est perçu comme un acquis social fondamental. Mais la ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet, confirme que la piste sera « mise sur la table », tout en promettant qu’il ne s’agit pas de supprimer un droit mais de donner un choix au salarié.
Un droit à convertir ses congés en argent… ou pas
Concrètement, la proposition vise à permettre à un salarié de choisir entre prendre sa cinquième semaine de congés payés ou la faire racheter par son employeur. Une option qui serait à la main de chaque individu, sans obligation ni pression, assure la ministre : « Un droit nouveau, sans remise en cause des protections existantes ».
L’idée est donc de favoriser la flexibilité, tout en valorisant le travail pour celles et ceux qui souhaiteraient convertir ce temps de repos en pouvoir d’achat supplémentaire. Mais cette perspective divise déjà les syndicats, certains y voyant un levier de précarisation du droit au repos, tandis que d’autres y perçoivent un outil de liberté individuelle.
Une réforme aux contours encore flous
Si cette mesure devait se concrétiser, elle marquerait un véritable tournant dans la philosophie du Code du travail, souligne Claire Le Touzé, avocate spécialisée. À l’heure actuelle, aucune convention collective ne permet une telle monétisation, ce qui suppose un passage législatif préalable, avant une déclinaison éventuelle dans les accords de branche.
Le dispositif pourrait s’inspirer du mécanisme déjà existant du rachat de RTT, très peu utilisé jusqu’ici. Chaque entreprise serait libre de bâtir sa propre structure de rachat, selon ses moyens, ses besoins, et ses équilibres internes.
Une stratégie politique assumée
Cette initiative s’inscrit dans une stratégie plus large du gouvernement, qui cherche à redynamiser l’économie française en incitant à produire davantage, selon les mots mêmes de François Bayrou. À ses yeux, il s’agit aussi de valoriser le travail dans un contexte où la compétitivité et le retour au plein emploi figurent parmi les priorités.
Mais cette proposition intervient aussi dans un contexte social tendu : pouvoir d’achat sous pression, fatigue des salariés, montée du sentiment d’épuisement professionnel. Pour de nombreux observateurs, l’idée pourrait être mal perçue si elle était ressentie comme une incitation déguisée à renoncer au repos contre une prime ponctuelle.
Les partenaires sociaux en première ligne sur la question des congés
Reste à savoir comment réagiront les syndicats et le patronat, invités à la table des négociations. Le gouvernement assure qu’il ne passera pas en force : « C’est une proposition. S’ils veulent l’écarter, ils l’écartent », a déclaré Astrid Panosyan-Bouvet sur RTL. Le dialogue social sera donc déterminant dans les prochaines semaines pour préciser les contours – ou l’abandon – de cette mesure.