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Le géant français de l’énergie Total finance la junte militaire du Myanmar

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Le géant français de l’énergie Total finance la junte militaire du Myanmar

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Des dividendes non imposables ont été versés à une société contrôlée par les militaires via des comptes offshore, révèle une enquête du Monde.

L’activité gazière du géant français Total au Myanmar a soutenu la junte militaire en détournant les fonds provenant des ventes de gaz vers des comptes offshore plutôt que vers le gouvernement, selon une enquête du journal Le Monde publiée mardi.

Selon des documents auxquels le journal français a eu accès après le coup d’État militaire au Myanmar, le champ gazier de Yadana, qui fournit du gaz aux marchés locaux du Myanmar et de la Thaïlande, détourne ses revenus vers la Myanmar Oil and Gas Enterprise (MOGE), gérée par des cadres de l’armée et des officiers retraités.

Ces revenus constituent l’une des principales sources de revenus des militaires du Myanmar, qui ont renversé le gouvernement démocratiquement élu le 1er février, déclenchant des violences et suspendant les droits civiques.

Les employés locaux travaillant pour Total ont également déclaré qu’ils avaient été empêchés de se joindre au mouvement de désobéissance civile et de bloquer les travaux sur le champ gazier. Des responsables de l’entreprise les ont prévenus que s’ils « rejoignaient la protestation », ils « en paieraient le prix ».

Les militants pro-démocratie au Myanmar ont demandé aux entreprises internationales du secteur de l’énergie – notamment l’Américain Chevron et le Français Total, les principaux partenaires étrangers d’une coentreprise avec MOGE – de suspendre leurs activités et de cesser d’apporter un soutien financier à la junte.

En France également, des militants ont organisé des manifestations contre les paiements présumés de Total au régime militaire.

Selon les documents, en 2019, la Moattama Gas Transportation Company (MGTC), la société partenaire de Total, transportant le gaz de Yadana à la Thaïlande, a déclaré un chiffre d’affaires de près de 523 millions de dollars, pour seulement 11 millions de dollars de dépenses.

Le rapport du Monde ajoute qu’en 1994, lors de la mise en place du projet gazier, les actionnaires du gazoduc ont enregistré la société holding de MGTC dans le paradis fiscal de l’Atlantique Nord, les Bermudes.

L’accord signé par Total garantit également que les dividendes versés par MGTC ne feront l’objet d’aucune retenue à la source.

Les bénéfices réalisés sont versés sous forme de dividendes non imposables aux militaires. Le gouvernement du Myanmar reçoit en retour un petit montant de royalties pour l’exploitation effective du gaz, en raison des coûts élevés de transport qui sont déduits des revenus du champ gazier.

Selon le rapport annuel 2020 de Total, le montant versé au ministère des Finances du Myanmar était trois à quatre fois inférieur à ceux distribués à son coactionnaire MOGE, précise le rapport.

Dans sa réponse au rapport du Monde, Total a défendu ses opérations en affirmant que « le bénéfice du projet Yadana se situe dans la moyenne de l’industrie. »

Justice for Myanmar, une association de défense des droits, a demandé à Total de suspendre ses paiements à la junte militaire et de placer les bénéfices sur un compte protégé jusqu’au retour de la démocratie.

« Des centaines de millions de dollars de revenus gaziers, qui devraient aller au peuple birman, alimentent des comptes offshore contrôlés par une junte illégale qui mène une campagne de terreur contre les Birmans », a déclaré Yadanar Maung, porte-parole de l’ONG, cité dans le rapport.

Total devrait cesser ses activités au Myanmar d’ici 2025.

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