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Les dessous d’Airbnb en France

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Les dessous d’Airbnb en France

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Le développement incontrôlé d’Airbnb dans l’Hexagone entraîne de lourdes conséquences sur les métropoles françaises et leurs habitants : hausse des loyers, hémorragie de population, fermeture des petits commerces et même recrudescence de la prostitution. Pour de nombreux élus français, cette situation n’a que trop duré.

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Paris menacée par « l’airbnbisation »

En France comme à travers le monde, le succès populaire et économique d’Airbnb est incontestable : en 2016, la startup californienne a revendiqué 8,3 millions d’utilisateurs pour les 400 000 logements mis en location dans l’Hexagone, soit une hausse de 70 % du nombre d’hébergements en un an.

Mais à l’image d’Uber, la plateforme fait aussi beaucoup parler d’elle pour les nombreux problèmes socio-économiques dont elle est à l’origine. Dans les grandes métropoles et en particulier à Paris, où environ 75 000 logements sont mis en location sur Airbnb, on assiste à un important phénomène de gentrification. C’est une réalité, les quartiers populaires se vident de leurs habitants et commerçants pour laisser place à de riches multipropriétaires louant leurs biens à l’année sur Airbnb. C’est le cas, par exemple, du Sentier et du quartier Montorgueil, que l’« airbnbisation » a complètement métamorphosés.

« Dans mon immeuble, quatre appartements sur 12 sont loués de cette manière, témoigne Francis Dobis, président d’une copropriété du quartier, au quotidien Le Monde. La boutique du rez-de-chaussée, de 47 mètres carrés, est louée 365 jours par an et accueille jusqu’à 15 personnes à la fois, le propriétaire ayant creusé la cave et aménagé des mezzanines pour multiplier les couchages. Les va-et-vient sont insupportables. »

Rue Saint-Denis, les habitants protestent également contre l’exploitation excessive du foncier à des fins mercantiles. « Des copropriétaires se plaignent que leurs relations de voisinage deviennent exécrables, explique Jacques Boutault, maire écologiste du deuxième arrondissement de Paris. Ce qui m’inquiète surtout, c’est la fuite des habitants, concomitante à la multiplication de ces locations. Jusqu’en 2015, notre arrondissement gagnait de la population, mais il a depuis perdu 2 000 habitants, soit près de 10 %. C’est énorme. La perte fiscale est significative. »

L’afflux de touristes et autres visiteurs de passage provoque le départ des commerçants, des travailleurs et même la fermeture des écoles. « Ce sont surtout les familles aux revenus moyens qui ne peuvent plus se maintenir dans le quartier et laissent la place à des gens plus aisés ‒ publicitaires, gens du spectacle, traders, startupers », explique au Monde Pauline Carsalade d’Ornano, représentante FCPE des parents d’élèves dans le quartier.

Depuis 2011, le nombre de grossistes textiles aurait ainsi chuté de 23 %. Les petits commerces sont progressivement remplacés par des chaînes de restauration rapide ou de luxe et des « boutiques de souvenirs de Paris “made in China”, rue d’Aboukir », selon Jacques Boutault.

À Bordeaux aussi, Airbnb chasse les habitants

Même constat à Bordeaux, où le nombre de logements mis en location a plus que doublé entre mars 2015 et 2016 (+113 %). La tension immobilière est aujourd’hui telle que de nombreux Bordelais sont contraints de s’installer loin du centre-ville, en grande périphérie ou à la campagne, où les loyers restent accessibles.

« Nous ne sommes plus dans l’histoire que raconte Airbnb : le partage convivial d’un logement pour arrondir ses fins de mois. Mais dans une véritable professionnalisation qui chasse les Bordelais, notamment les plus modestes et les jeunes, de leur ville, analyse Matthieu Rouveyre, élu PS local. Pendant que la ville créait avec difficulté 619 logements sociaux entre 2014 et 2015, des milliers d’appartements étaient soustraient au marché locatif privé. Même les étudiants qui, jusqu’ici, trouvaient des colocations abordables dans le quartier Saint-Michel ne peuvent plus se loger. » Le prix des loyers y aurait augmenté de 7 % en 2016, selon les notaires.

Nuisances, dégradations et même prostitution

Avec l’appât du gain suscité par ces locations de très courtes durées, d’autres dérives ont vu le jour. Outre les nuisances sonores et les dégradations, la mairie de Paris a découvert l’existence d’un réseau de prostitution qui se servait d’Airbnb pour effectuer ses passes.

Et si plusieurs mesures d’encadrement ont été prises, comme la limitation à 120 jours de location par an ou la possibilité d’imposer l’enregistrement des biens loués auprès des autorités, les restrictions sont encore loin de celles mises en place à New York (interdiction de louer un logement entier moins de 30 jours), Amsterdam (60 jours de location maximum par an) et surtout Barcelone.

Submergée de touristes peu respectueux des lieux et de la population, la capitale catalane a condamné le géant américain à 600 000 euros d’amende, en 2016, pour avoir permis la location d’appartements non déclarés. Et la municipalité a récemment renouvelé sa détermination à réguler l’activité d’Airbnb en déclarant qu’une nouvelle procédure serait lancée si le site ne « faisait pas preuve de bonne volonté ».

La France s’inspirera-t-elle de l’exemple barcelonais ? Rien n’est moins sûr, tant l’attitude d’Emmanuel Marill, patron d’Airbnb France, frise l’insolence. Dans une interview accordée aux Échos, l’ex-manager de Groupon, Instragram et Facebook a admis sans détour que la plateforme payait ses impôts en Irlande, où le taux d’imposition sur les sociétés n’est que de 12,5 % contre environ 30 % dans l’Hexagone…

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