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L’euro : cette monnaie commune si compliquée

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L’euro : cette monnaie commune si compliquée

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Le jeudi 22 janvier 2015 restera sans doute dans les annales de l’UEM, comme le jour où la BCE s’est alignée sur les Etats partisans du mécanisme de la « planche à billets », au nombre desquels l’Angleterre. Cette décision, cependant, ne doit pas masquer les réformes nécessaires attendues pour réduire les disparités économiques au sein de la zone euro. Et, par ricochet, à l’intérieur de l’UE.

L'euro est aussi source de disparités

 

L’euro est-il un échec ?, se demandait Michel Dévoluy, professeur d’économie et coresponsable de l’Observatoire des politiques économiques en Europe (OPEE), dans un ouvrage en 2012. L’Union européenne (UE) était alors frappée de plein fouet par la crise économique mondiale ; les dettes souveraines de la zone euro n’en finissaient pas de croitre, entraînant de facto Bruxelles à prendre des mesures exceptionnelles pour venir en aide aux pays en difficulté. Aujourd’hui, alors que les 28 Etats membres semblent être sur la voie – encore longue – d’une embellie économique, un constat s’impose : l’entrée en vigueur de la monnaie unique, en 1999 puis 2002 sous sa forme fiduciaire, a créé certaines disparités, au sein de l’UE, mais également, a fortiori, au sein de la zone euro elle-même. Pourtant, c’est bel et bien grâce à cette monnaie unique que l’UE s’en sortira. Sous certaines conditions.

 

Une stratégie des « petits pas » appliquée de manière incomplète

 

Bien avant que la « crise des subprimes » n’éclate, certains économistes pointaient déjà du doigt ces divergences et les risques qu’elles pouvaient susciter. Ainsi, Catherine Mathieu et Henri Sterdyniak, dans une étude de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) – Comment expliquer les disparités économiques dans l’UEM ? –, notent dès 2007 que, non seulement « les économies de la zone euro ont connu des disparités persistantes et souvent croissantes », mais que ces dernières « sont sources de tensions en Europe ». D’après eux, la mise en place de politiques économiques efficaces et, surtout, communes, se trouve dès lors compromise. Tandis que certaines entités, comme le Royaume-Uni ou l’Allemagne, dans une moindre mesure et pendant un certain temps la France, semblent tirer leur épingle du jeu, les Etats du sud de l’UE, Grèce et Portugal en tête, mais également l’Irlande, s’enfoncent dans le marasme économique.

 

En cause principalement, cette volonté sans cesse réaffirmée de Bruxelles de vouloir mettre en place des politiques macroéconomiques semblables, au sein de pays qui connaissent tous des situations différentes : « l’Union économique et monétaire a vu, depuis 1999, la persistance des divergences entre les Etats membres en termes de croissance, d’inflation, de chômage et de déséquilibres extérieurs », précise l’étude précitée. Au-delà de la crise économique mondiale qui a nécessairement impacté l’UE, les maux dont souffre la zone euro – l’Europe par ricochet – sont donc structurels. L’exécutif européen a, selon certains économistes, voulu en faire trop, trop vite ; sans prendre la peine de poser les bases durables de la coopération budgétaire et économique qu’il souhaitait mettre en place. Bruxelles, qui se targue pourtant d’appliquer sa stratégie des « petits pas » à la lettre depuis 1957, aurait-elle renié son mode opératoire ?

 

La première des priorités : résoudre les maux nationaux

 

id= »yiv8944056029yui_3_16_0_1_1423146497880_2509″ class= »yiv8944056029″>La récente annonce de Mario Draghi selon laquelle la Banque centrale européenne (BCE) allait racheter, à partir du mois de mars 2015, de la dette publique des Etats – à hauteur de 1100 milliards d’euros – est à étudier à l’aune de ces considérations. Jugée historique par bon nombre de commentateurs, cette volonté – tardive – de faire « marcher la planche à billets » l’est effectivement en ce qu’elle rompt totalement avec la ligne de conduite rigoriste de l’institution de Francfort jusqu’à présent. La zone euro embraye ainsi pour se mettre à la même vitesse que le Royaume-Uni : depuis 2009, la Banque d’Angleterre injecte régulièrement des liquidités dans l’économie britannique, et estime que son taux d’inflation et le PIB ont ainsi augmenté.

 

C’est précisément les objectifs recherchés par Mario Draghi : endiguer la déflation qui s’annonce et relancer la croissance au sein de la zone euro. Cependant, créer de la monnaie – fut-elle sonnante et trébuchante – ne remplacera jamais les réformes nécessaires pour inciter à la consommation, puisque c’est l’effet espéré par la BCE. Se basant sur les expériences américaine, britannique et japonaise, le journaliste économique Michel Garibal estime que « les succès, lorsqu’ils ont eu lieu, ont été obtenus parce qu’ils étaient accompagnés d’autres mesures, qui ont permis une relance de l’économie. » La relance économique chez les Etats membres – et, par conséquent, la réduction des disparités – ne sera donc effective que s’ils parviennent à faire en sorte que les nationaux puissent consommer. Avant tout autre objectif, résoudre les maux nationaux est ainsi la première des priorité : le chômage pour l’Italie (13,4 %) et l’Espagne (23,9 %) ; le coût du travail pour la France (35 euros de l’heure) ; le réajustement de la balance commerciale en Allemagne.

 

En l’absence de politiques économique et budgétaire communes, les membres de la zone euro doivent donc avoir le courage d’affronter, seuls, les disparités actuelles. Même s’ils sont bien soutenus par Bruxelles et, aujourd’hui, Francfort, c’est avant tout des politiques étatiques que doit venir le sursaut.